Relocaliser en France : le pari fou relevé par Green_e

Relocaliser en France… Un horizon pour bon nombre de nos industries au vu des enjeux climatiques actuels. L’objectif ? Produire plus proche et produire mieux en vue de diminuer sensiblement l’empreinte carbone d’une activité. Certains secteurs se prêtent plus que d’autres à un tel changement… Autant dire que s’agissant de la production d’accessoires de charge, le simple fait d’évoquer le désir d’une future relocalisation constituait déjà en soi une petite révolution ! Et pourtant – après mille et un écueils, certes –, cette relocalisation est désormais effective pour Green_e, estampillée par le label de référence en la matière : Origine France Garantie ! Une aventure que nous souhaitons aujourd’hui partager au plus grand nombre pour, demain, inspirer d’autres acteurs dans l’exploration de cette voie.

L’incontournable Asie

Longtemps, la conception d’instruments de charge fut inextricablement liée à L’Asie. À l’heure des premiers chargeurs portables, relativement simples de conception, toute la production y fut d’abord centralisée. Les principaux atouts de l’Asie en la matière : une main d’œuvre bon marché et une capacité de production énorme, à même de répondre à la demande mondiale alors en plein essor.

Il y a plus de trente ans, les machines des usines françaises quittèrent donc le territoire pour se retrouver en Asie, avec un personnel acquis, sans protection sociale, encadré par des règles de sécurité tout à fait sommaires. Le savoir-faire français fut aspiré vers l’Extrême-Orient en même temps que nos machines.

Avec les évolutions technologiques successives, notamment fondées sur un matériau (le Gallium) essentiellement miné en Chine, s’est peu à peu articulée autour de l’empire du Milieu une chaîne de logistique mondiale.

Enchevêtré à ces interconnexions mondiales – entre pays lointains fournisseurs de matières premières, entreprises de conception, de modélisation, d’usines de production et de chaînes logistiques tentaculaires –, un circuit industriel monopolistique s’est cristallisé. Quiconque produisait des chargeurs dans le monde ne pouvait y couper.

Imaginer réimporter ce modèle chez nous nécessitait donc de tout réécrire, non seulement parce que le savoir-faire avait disparu, mais aussi parce que le coût de la main-d’œuvre est en France ostensiblement plus cher qu’en Asie. Le consommateur, bien que sensibilisé aux enjeux écologiques, n’est pas prêt à payer deux ou trois fois plus cher son chargeur, d’autant plus dans un climat économique difficile. Produire local tout en s’alignant sur les prix du marché : une équation insoluble ?

Repenser intégralement un modèle : et pourquoi pas ?

La solution, tout du moins d’un point de vue conceptuel, était simple à trouver : il fallait innover. Innover, au sens large. Rebâtir une architecture de conception innovante pour réduire les coûts, optimiser la chaîne de production et de valeur, identifier les économies possibles et inventer de nouveaux procédés. Mettre autour de la table différents partenaires, de l’usine à la distribution, pour nous permettre de réaliser une offre solide pour les consommateurs. Dénicher un plasturgiste, un outilleur, un assembleur, prompts à imaginer avec nous de nouveaux designs, de nouvelles techniques, de nouveaux procédés.

Pour notre projet de réintroduction de la production de nos accessoires en France, ce furent des centaines d’heures de réflexion et de déplacements, de rencontres et de… problématiques. Il fallait reprendre les compétences de chacun, les compiler, les confondre, les assembler, les dynamiser, les ouvrir, les provoquer, les bousculer, les financer… Bref, il fallait passer par une véritable remise en question des acquis, alors que la si facile collaboration avec des partenaires asiatiques nous tendait les bras. Il fallait réinventer tout un système… et s’y atteler sans la moindre subvention.

« Vous n’y arriverez jamais »

« Vous n’y arriverez jamais », ou « non, c’est impossible », voilà sans doute les maximes les plus fréquemment entendues lors des divers salons électroniques EMS ! Nous étions alors dans les premières années de Green_e, entre 2016 et 2020. Depuis, un vent nouveau a commencé à faire évoluer les esprits de nombreux acteurs industriels ; le plan du gouvernement « France 2030 » a d’ailleurs permis de nourrir et soutenir leurs nouvelles motivations.

Mais revenons aux balbutiements de Green_e… Alors que le projet initial était industriel, les portes des investisseurs se fermaient les unes après les autres. « Votre structure est trop petite pour que nous puissions consentir à un tel investissement, nous ne pourrons pas vous accompagner », « vous n’êtes pas ingénieur, vous n’avez pas été patron de grosse structure, vous n’avez pas les compétences industrielles »…

Face aux refus et aux innombrables normes de production des sites industriels en France, nous ajustons donc notre plan initial : nous passerons par ses sous-traitants français prêts à nous accompagner dans cette aventure.

L’invraisemblance que suscita notre projet perdura par ailleurs longtemps… Lorsque nous avons signé avec un consultant en bureau d’études d’électronique de puissance, son fondateur émettait de sérieuses réserves quant à la faisabilité technique – à prix compétitif –  de nos nouveaux chargeurs français. Il avait besoin que nous lui expliquions et, plus encore, il avait besoin de le voir pour le croire ! La réception des premiers dessins et listes des composants l’ont convaincu de nos choix. Nous allions désormais pouvoir rapatrier la production des cartes électroniques sur le sol français.

Une solution : l’innovation

Comme nous le disions plus haut, pour rendre cette relocalisation possible, il fallut injecter de l’innovation dans chaque strate du projet Green_e ! Pour mieux le comprendre, prenons ici un exemple attrait à la conception des chargeurs.

En Asie, l’opération d’assemblage de la prise de courant au bloc du chargeur se déroule toujours par trois actions successives, menées par un ou plusieurs opérateurs. La prise de courant, munie de deux longues tiges, est guidée vers le circuit électrique pour se voir « crochetée », puis, une fois les deux blocs assemblés, soudée à l’ultrason. Le contrôle visuel est primordial, le contrôle qualité très exigeant, et pour cause, cette opération peut s’avérer délicate à force de répétition. Reproduire ce geste toute la journée requiert autant de minutie que de concentration. En France, de telles opérations seraient hors de prix et leur impact sur le coût final du chargeur rendrait ce dernier parfaitement prohibitif.

Nous avons donc décidé de revoir complètement la conception de cette prise pour lui permettre d’offrir les mêmes spécifications techniques en termes d’écartement et de conformité aux normes européennes, mais aussi d’éco-conception afin de permettre un recyclage facilité des matières. Le tout en accommodant une simplification des opérations. Nous n’y serions parvenus sans la farouche détermination de notre partenaire sous-traitant. Il s’est beaucoup investi dans le parcours de fabrication en nous épaulant dans la création d’un atelier spécifique, à même d’optimiser chaque étape.

Ainsi, certaines machines (injecteurs) sont totalement automatisées et permettent des montées en cadence importantes pour répondre aux commandes d’un volume significatif. Leur position dans l’atelier assure un flux constant. Le poste de chaque opérateur a été pensé pour optimiser et faciliter les gestes afin d’éviter les TMS (troubles musculo–squelettiques). Une salle blanche, sécurisée et silencieuse a par ailleurs été aménagée pour réaliser l’ensemble des tests d’endurance. Elle permet aux opérateurs de travailler dans les meilleures conditions possible.

Au cours de cheminement vers la relocalisation, nous nous sommes rapidement rendu compte que l’éco-conception se présentait comme une solution d’innovation au croisement de nos diverses problématiques : l’éco-conception permet de se passer de produits chimiques, à la fois coûteux et polluants, elle permet aussi de recycler localement et majoritairement les matériaux. Ce fut la voie à suivre vers l’obtention du label Origine France Garantie. Une voie que nous continuerons de détailler au sein de nos prochains articles !